L’élection de Joe Biden, une épine dans le pied de Boris Johnson et de son Brexit ? S’il a félicité le démocrate, le Premier ministre britannique comptait sur Donald Trump, avec qui il affichait sa proximité, pour parvenir à un accord de libre-échange avantageux, en marge de ses déconvenues avec Bruxelles. Sur la même question, l’Irlande s’attend à un soutien fort de la part du « président le plus irlandais depuis John Kennedy ».
Le Royaume-Uni a toujours mis en avant sa « relation spéciale » avec les États-Unis, qui devient encore plus importante à l’ère post-Brexit. Londres veut conclure le plus rapidement possible avec Washington un accord de libre-échange. Or la promesse de Donald Trump d’un « magnifique » accord ne s’est jamais matérialisée, et le nouveau président Biden risque d’avoir d’autres priorités.
Autre problème pour Boris Johnson : sa proximité affichée avec Donald Trump, qui l’avait affectueusement appelé « le Trump anglais ». Les deux hommes sont d’ailleurs de fervents avocats du Brexit contrairement à Joe Biden,rapporte notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix.
Pas d’accord commercial sans respect de la paix en Irlande, selon Biden
Les récentes manœuvres du gouvernement Johnson n’ont pas arrangé les choses. Après la remise en cause du traité conclu entre Londres et l’Union européenne, notamment sur les dispositions spécifiques à l’Irlande du Nord, Joe Biden – qui rappelle avec fierté ses racines irlandaises – avait tout de suite prévenu qu’il n’y aurait pas d’accord commercial si Londres mettait en danger l’accord de paix dans la province britannique.
Au-delà des questions personnelles et du Brexit, le Royaume-Uni et les États-Unis vont néanmoins très certainement pouvoir se rapprocher sur un grand nombre de sujets comme la Chine, l’Iran, la Russie ou le changement climatique… d’autant que la Grande-Bretagne doit accueillir la conférence sur le Climat, à Glasgow, en novembre 2021.
Protéger les intérêts irlandais
L’Irlande a elle suivi avec attention le long dépouillement de l’élection présidentielle américaine, espérant la victoire de Joe Biden. Dublin veut précisément s’assurer du soutien de Washington dans le processus du Brexit.
Le président irlandais Michael D. Higgins a accueilli l’élection du démocrate avec le souhait de reconstruire la confiance transatlantique, et le Premier ministre Micheal Martin a salué son élection, déclarant que Joe Biden avait été « un véritable ami de la nation [irlandaise] tout au long de sa vie »et qu’il avait hâte de« travailler avec lui dans les années à venir ».
« On peut s’attendre de l’administration Biden – et c’est sûrement le plus important – un retour au professionnalisme de la part du secrétaire d’État, et au rôle de médiateur des États-Unis dans les conflits – en Irlande mais pas seulement », estime Ken McDonnagh, docteur en relations internationales,au micro de notre correspondante à Dublin,Emeline Vin.
« Le président américain le plus irlandais depuis JFK »
« Il y a de nombreux politiciens Irlandais-Américains à Washington, un véritable réseau diplomatique, assez puissant, analyse Liam Kennedy, directeur du Clinton Institute à Dublin. Ça agace beaucoup les Britanniques, puisqu’ils veulent un accord commercial et que les démocrates, au premier rang desquels la cheffe de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, ont dit « non » pour l’instant. »
La future administration devrait bénéficier au soft power irlandais, estime Ken McDonnagh : « Biden est probablement le président américain le plus irlandais depuis JFK [John F. Kennedy, président de 1961 à 1963, ndlr]. Il s’identifie très fortement comme Irlandais catholique, ça fait partie de son identité politique depuis toujours. »
Le désormais président-élu a d’ailleurs promis qu’il reviendrait en Irlande dès que possible.