Le 29 septembre 2020, Macky Sall, présentant le « plan de relance » de l’économie sénégalaise affectée par les contrecoups néfastes du coronavirus, mettait l’accent sur les questions de souveraineté, en s’adressant au secteur privé national, parent pauvre du Plan Sénégal Emergent. Quelques jours plus tard, soit le samedi 03 octobre 2020, s’est déroulée la signature du contrat de construction de la centrale électrique entre la Senelec et West African Energy (WAE).Ceux qui s’attendaient à un regain d’intérêt pour le patriotisme économisme vont déchanter, en lisant ces lignes. Puisque dans cette affaire, ce sont les Turcs qui voient la Corniche, plus de deux ans après que, lors d’une visite de Reccep Tayyip Erdogan à Dakar, les deux pays ont signé une convention portant sur l’énergie. La centrale en question sera construite par les Turcs de Calik Energy, principal partenaire technique de la société de Samuel Sarr dans le projet de la centralede 300 MW. Ahmed Calik, le propriétaire de la boite, est réputé proche de Berat Albayrak, gendre de Reccep Teyyip Erdogan et l’argentier de l’Etat turc. Il fut également DG de la Çalık Holding. Albayrak a été accusé par les Russes et l’opposition turque de jouer un rôle majeur dans la vente de pétrole par l’Etat Islamqiue (EI) via la Turquie. En Guinée Conakry, un gré à gré a été concédé au conglomérat Albayrak, pour la gestion des terminaux minéraliers du Port autonome de Conakry. Le conglomérat opère aussi le parc des 50 bus municipaux dans la capitale guinéenne. De quoi soulever un grand tollé, puisque des syndicalistes soupçonnent le fils d’Alpha Condé, Mouhamed, d’être actionnaire dans la société Albayrak. Vrai ou faux ? La presse à Conakry dénonce une connexion d’autant plus trouble que la Turquie a offert à Alpha Condé un avion – un jet d’affaires Gulfstream G450- qui, repeint aux couleurs de la Guinée, est devenu l’avion présidentiel. Dans notre post précédent, nous avons reproduit des parties de l’article de Vox Populi qui, au mois de mai dernier, alertait sur les agissements de l’actuel DG de la Senelec, Pape Mademba Bitèye, qui envisageait d’accorder à Samuel Sarr « le plus grand contrat d’achat d’énergie pour réaliser la plus grande centrale électrique du Sénégal…sans aucune étude sérieuse, ni analyses de risques projets ». D’après le journal, le marché, qui risquait d’être passé sans appel d’offre, est estimé à 3516 milliards, soit 140 milliards par an, dans l’hypothèse d’un fonctionnement continu en base ou semi-base. Selon les sources de Vox Populi, l’autorisation du Conseil d’administration a été obtenue au forceps le 13 novembre 2019, suivie de la création de la société le 14 novembre. Cela, malgré les réticences du ministre des Finances et du Budget (courrier du 29 octobre 2019) ainsi que les réserves et incompréhensions de plusieurs administrateurs.Autre ombre au tableau, les Turcs de Calik Energy vont compter sur l’Américain Général Electric, pour appuyer Samuel Sarr et Cie, alors que Ahmed Calik est dans le collimateur du département d’État américain du Trésor, pour une affaire supposée de blanchiment d’argent à grande échelle. Voilà Samuel Sarr, celui dont l’image est associée aux délestages ayant emporté le régime de Abdoulaye Wade, de nouveau au cœur du secteur de l’Energie. Dès 2017, il s’est signalé quand il fut soupçonné d’avoir touché 1,5 million d’euros dans la foulée de la cession des parts de Bin Laden Group, dans le capital de la Société africaine de raffinage (SAR), à Locafrique de Khadim Ba. Deux ans après, la SAR est dans une zone de turbulences. C’est le binôme Khadim Ba-Samuel Sarr que l’on retrouve parmi les opérateurs économiques sénégalais qui ont lancé le projet de la centrale de West African Energy.Qui aurait pu imaginer ça en 2012 ? Vous vous en souvenez, démis de ses fonctions de directeur général de la SENELC en 2006, Samuel Sarr accusa le Premier ministre Macky Sall d’avoir intrigué pour obtenir son départ. Après la chute du régime libéral en 2012, Samuel figurait en bonne place sur la liste de la Cour de répression de l’enrichissement illicite -CREI). Aujourd’hui, on peut dire qu’il ne regrette pas l’élection de Macky Sall, qui lui a donné ce qu’il n’a pas pu obtenir du président Abdoulaye Wade.
A suivre…
Thierno DIOP