L’accord conclu le jeudi 24 décembre entre l’Union européenne et le Royaume-Uni sur leurs futures relations commerciales post-Brexit a notamment tranché l’épineux volet de la pêche. Les pêcheurs européens pourront continuer à lancer leurs filets dans les eaux britanniques de la Manche, mais devront diminuer leurs quotas de 25%, la transition se faisant sur une période de cinq ans et demi.
Côté belge, où 80% des ressources sont pêchées dans les eaux britanniques, c’est la satisfaction mais la prudence également. Sans accord, au 1er janvier les pêcheurs belges n’auraient pas pu se rendre comme chaque semaine dans les eaux poissonneuses appartenant à la Grande-Bretagne.
De ce point de vue, cet accord est un soulagement souligne Sylvie Becaus directrice de la plus grande criée de Belgique à Ostende et Zeebrugge: « On est très contents, on sait que pendant cinq ans au moins on pourra continuer à pêcher dans les zones britanniques, même dans les eaux territoriales. On est très content, on a reçu cinq ans en plus. »
Mais tout n’est pas réglé selon elle. Les détails des baisses de quotas ne parviennent qu’au compte-gouttes. Elle sait déjà que les marins belges devront baisser la quantité de sole pêchée côté anglais de 8%.
Un soulagement sur le court terme
« On sait que ça ne va pas être fatal, et qu’on va avoir le temps de s’adapter mais on ne connaît pas le vrai impact. Dans cinq ans, ça va être beaucoup plus dur, car il n’y’ aura plus de limites et ils auront une liberté totale. La pêche européenne est sauvée à court terme, mais à long terme on ne sait pas », estime Sylvie Becaus.
Les pêcheurs belges sont ceux qui dépendent le plus des eaux britanniques en Europe. Leur inquiétude désormais c’est que dans cinq ans et demi, les futures négociations soient bien moins à leur avantage.
Les pêcheurs des Hauts-de-France rassurés
Stéphane Pinto, vice-président du Comité régional des pêches des Hauts-de-France, est satisfait de cet accord qui lui permettra de poursuivre son travail dans les eaux britanniques.
« Je suis satisfait à 80% parce qu’on va pouvoir continuer à pêcher dans les eaux anglaises. C’était la première inquiétude que les pécheurs de France et même du reste de l’Europe avaient et craignaient. »
Pour ce qui est des moins 25% de quota prévu par l’accord, c’est quelque chose qu’il faut détailler en profondeur pour avoir les aboutissants estime Stéphane Pinto.
« Mais en tout cas notre première inquiétude était vraiment l’interdiction d’entrer dès le 1er janvier dans les eaux anglaises, car dans les Hauts-de-France ça représente 75% de notre temps. Il y a 15 jours on avait la crainte d’être exclu des eaux anglaises, là on ne l’a plus et on a une visibilité sur 6 ans. »
Le vice-président du Comité régional des pêches des Hauts de France rappelle que la principale attente aujourd’hui c’est que le gouvernement France travaille avec les autres pays membres de l’UE pour négocier au mieux pendant les six prochaines années sur l’après.
Reprendre le contrôle total de la gestion des pêcheries
Qu’en pensent les pêcheurs britanniques ? Notamment ceux qui avaient voté en faveur du Brexit pour reconquérir leurs eaux poissonneuses. Paul Gilson est pêcheur à Lee-on-the-Sea et pour lui beaucoup de pêcheurs s’attendaient à un accord bien pire que celui-là.
« Je pense que l’industrie de la pêche a été utilisée comme un levier pour négocier un meilleur accord. Mais j’aurais quand même préféré voir le gouvernement s’investir davantage. J’aurais voulu une souveraineté totale de nos eaux jusqu’à 20 kilomètres des côtes britanniques. »
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Paul Gilson estime qu’en tant que pêcheurs, ils doivent reprendre le contrôle de la gestion des pêcheries dans tout le Royaume-Uni : « Je n’ai rien contre les autres pêcheurs mais notre problème c’est avec Bruxelles et la manière dont ils géraient la pêche. Les politiques n’ont aucune idée de la façon dont il faut gérer les zones de pêche. Il y a tellement de gaspillage dans les mesures que l’Union européenne nous a imposées. Je trouve que nous tuons des poissons inutilement. »
Ce pêcheur de Lee-on-the-Sea estime que cette industrie devrait être plus durable et responsable. Pour lui, Bruxelles n’a rien compris de tout cela.
La colère des pécheurs écossais
Sur le sujet, le compromis trouvé ne satisfait pas les Écossais. Une bonne partie de la flotte britannique se trouve en effet en Écosse. Le secteur qui produit beaucoup de fruits de mer est particulièrement sensible en cette période de fêtes de fin d’année.
Même s’il y a un soulagement d’avoir échappé au « no deal », rien ne remplacera l’appartenance à l’Union européenne.