29 navires pêcher dans les eaux du Sénégal et L’Espagne chasse les migrants sénégalais
Arrivés aux Îles Canaries à bord d’embarcations de fortune, beaucoup de migrants sénégalais risquent l’expulsion. Déjà 20 d’entre eux qui ont transité par la Mauritanie ont été rapatriés il y a quelques jours. Au même moment, l’Espagne lorgne les eaux sénégalaises dans lesquelles ses navires pourront encore pêcher 5 nouvelles années. Le parlement européen a approuvé le contrat de pêche liant l’Union européenne et le Sénégal.
Selon un communiqué du parlement européen lu à Dakaractu, le texte soumis aux députés a été adopté par 524 voix pour, 47 contre et 115 abstentions. Cet accord permettra à 28 thoniers senneurs congélateurs, 10 canneurs et 5 palangriers d’Espagne, du Portugal et de France de tirer 10 000 tonnes de poissons par an des eaux sénégalaises.
Les négociations ont débuté le 19 juillet 2019, mais le nouveau contrat qui vient d’être approuvé par le parlement européen était en application depuis le 18 novembre, date de la fin du premier contrat signé en novembre 2014.
La valeur totale du protocole est estimée à 15 253 750 euros (10 milliards de FCFA), soit 3 050 750 euros par an (2 milliards FCFA). Cet argent est considéré comme la contrepartie versée au Sénégal et sera réparti entre le droit d’accès aux eaux sénégalaises et les redevances dus par les armateurs au titre des autorisations de pêche. Les possibilités de pêche établies en vertu en protocole donne à l’Espagne 29 navires, 14 à la France et 2 au Portugal, soit au total 45 navires.
Mais l’accès aux eaux sénégalaises à ces navires européens ne se fera pas sans surveillance. Il est même prévu des sanctions pécuniaires en cas de non-respect du non-respect du volume de captures autorisé. À cet effet, il a été stipulé à l’alinéa 6 de l’article 4 que « Si la quantité annuelle des captures des espèces hautement migratoires effectuées par les navires de pêche de l’Union dans les eaux sénégalaises dépasse le tonnage de référence annuel (…) le montant total de la contrepartie financière annuelle est augmenté de 45 euros pour chaque tonne supplémentaire capturée ».
Les navires de pêche de l’Union autorisés à exercer leur activité dans le cadre du présent protocole sont tenus de respecter le repos biologique des espèces selon la législation sénégalaise.
Par ailleurs, il est attendu des armateurs des navires de pêche de l’Union européenne dans le cadre de cet accord, d’employer des ressortissants des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ainsi, 25% des marins embarqués pendant la campagne de pêche thonière dans la zone de pêche sénégalaise seront d’origine sénégalaise ou éventuellement d’un pays ACP; alors qu’ils seront 30% pour la flotte des canneurs. « Pour la flotte des chalutiers de pêche démersale profonde, 25 % au moins des marins embarqués pendant la campagne de pêche dans la zone sénégalaise seront d’origine sénégalaise ou éventuellement d’un pays ACP », ajoute le protocole.
Mais pas sûr que ces termes calment la colère des acteurs sénégalais de la pêche. Dans des sorties relayées par la presse, ils ont dénoncé la présence excessive des navires étrangers sur les côtes sénégalaises et les accusent de provoquer le départ de centaines de pêcheurs vers les Iles Canaries d’où malheureusement, comme indiqué dans l’amorce, ils ne sont pas les bienvenus.
Les précisions et omissions de la Délégation de l’Union européenne à Dakar…
Le tollé provoqué par le renouvellement de son accord avec le Sénégal dans la pêche a eu pour conséquence de faire sortir l’Union européenne de sa réserve. Dans un communiqué envoyé à Dakaractu, la Délégation de l’U.E à Dakar juge nécessaire de faire des précisions sur l’accord qui permet à 45 navires européens de pêcher au moins 10 000 tonnes de thon et 1 750 tonnes de merlu noir par an pour une contrepartie financière de 15 millions d’euros (10 milliards FCFA) sur cinq ans.
Dans un premier temps, elle assure que « l’accord de partenariat de pêche durable UE-Sénégal et son protocole de mise en œuvre garantissent un cadre légal des océans et à la protection du secteur des pêches et des emplois qui en dépendent. » Une bonne manière pour l’U.E de se dédouaner.
Il a été question ces derniers temps de la corrélation entre la présence des navires étrangers dans les eaux sénégalaises et le départ massif des pêcheurs artisans pour les Iles Canaries, en Espagne. Mais selon la Délégation de l’Union européenne à Dakar, « les quotas de pêche alloué par le Sénégal aux bateaux européens correspondent à une ressource non ciblée par les pêcheurs sénégalais… »
« Ces quotas concernent exclusivement des espèces bien déterminées -le thon et le merlu noir- et ne font pas l’objet de licences de pêche qui pourraient interférer avec la pêche artisanale sénégalaise », renchérit le communiqué qui plastronne en mettant en exergue la clause qui veut que les marins embarqués dans les navires européens soient au moins constitués de 25% de sénégalais.
Les omissions d’une mise au point
Cependant le protocole consulté par Dakaractu ne fait pas mention uniquement de sénégalais. « Les armateurs des navires de pêche de l’Union opérant dans le cadre du présent protocole emploient des ressortissants des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP », peut-on lire au chapitre V du protocole d’accord. Ce n’est pas la seule omission faite par la Délégation de l’Union européenne dans sa réponse.
« Le nouveau protocole a été négocié entre les parties en juillet 2019. Ces négociations se sont appuyées sur une évaluation indépendante du protocole (2014-2019) et les meilleurs avis scientifiques disponibles (sénégalais et européens), ainsi que sur des consultations menées avec les opérateurs et la société civile au Sénégal et en Europe (…) a la fin des négociations, le protocole d’accord doit être adopté par le Parlement européen, qui vient de donner son feu vert ce 12 novembre, puis par le Conseil des Etats membres dans les prochains semaines », semble vouloir rétablir l’Union européenne qui ajoute qu’ « un processus de ratification est en cours en parallèle au Sénégal ».
Mais ce que le communiqué ne dit pas et qui est écrit noir sur blanc sur le communiqué du parlement européen c’est qu’il s’applique « depuis sa signature le 18 novembre 2019 ».
Au sujet de la contrepartie financière versée au Sénégal, la Délégation de l’Union européenne fait savoir qu’elle représente un montant global de plus de 15,25 millions d’euros, soit plus de 3 millions d’euros par an. Rien de nouveau sous le soleil puisque Dakaractu, dans son article avait déjà écrit le même montant, en se basant sur les termes du protocole d’accord publié au journal officiel européen depuis le 20 novembre 2019.
L’UE revoit ses ambitions à la baisse
« En ce qui concerne les quotas annuels : il faut noter que dans le nouveau protocole, ils ont été revus à la baisse : à savoir 10 000 tonnes pour les thonidités (au lieu de 14 000 tonnes précédemment) et 1750 tonnes de merlu noir (au lieu de 2000 tonnes) », poursuit la représentation européenne.
La Délégation de l’Union européenne fait remarquer que l’accord de partenariat durable avec le Sénégal a permis de nombreuses réalisations en faveur des acteurs de la pêche depuis 2014.
À titre d’exemples, elle cite la « modernisation du quai de pêche de Hann, la construction du quai de Ndangane Sambou, les travaux de re-certification du navire de recherche Itaf Dem, l’immersion de 10 000 pots à poulpe tous les ans ; et celle de trois navires obsolètes pour créer des récifs artificiels de reproduction des espaces ; l’achat de 26 000 gilets de sauvetage et de 100 kits de géolocalisation pour renforcer la sécurité en mer des pêcheurs artisans ».
Pour finir, le communiqué relève que « l’accord de pêche vise aussi à combattre le fléau de la pêche illégale, première cause de mise en danger de la ressource halieutique ».
dakaractu