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samedi 4 janvier 2025

2021 année décisive pour le Différentiel de Revenu Décent sur le cacao

Depuis la campagne 2020/2021, la Côte d’Ivoire et le Ghana appliquent un Différentiel de Revenu Décent (DRD) de 400 $ sur chaque tonne de fèves vendue, afin de mieux rémunérer leurs planteurs. Si au début de sa mise en œuvre, cette mesure a eu le soutien des entreprises du secteur mondial, elle fait actuellement de moins en moins consensus. Entre le ralentissement de la demande liée au coronavirus et la réduction des marges, les industriels cherchent la parade. Pour les deux pays, assurer le paiement du DRD tout au long de l’année, s’annonce déjà comme un véritable défi.

Les tensions au dernier trimestre 2020 entre la Côte d’Ivoire et le Ghana d’une part et le confiseur américain Hershey d’autre part, ont donné un aperçu éloquent du casse-tête que représente le DRD. En effet, comme l’ensemble des autres industriels, la compagnie n’a pas échappé au ralentissement de la demande de ses produits chocolatiers en raison de la pandémie et a revu ses besoins en matière première à la baisse.

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1Hershey

La démarche du confiseur américain Hershey jugée « ignoble » par les régulateurs.

Pour réduire ses coûts et préserver ses marges dans un contexte de mauvaise conjoncture, la compagnie a fait le choix vers la mi-novembre d’un approvisionnement de 30 000 tonnes de fèves sur l’International Exchange Futures (ICE) de la Bourse de New York. Une telle stratégie lui a donné accès aux réserves accumulées au niveau de la Bourse, ce qui lui évitait de payer sur le terrain, le tarif de 400 $ qui frappe le prix du cacao récolté pour le compte de la saison 2020/2021. Face à cette démarche qu’ils perçoivent comme une ultime astuce et un « acte ignoble », les régulateurs des deux pays ont durci le ton, suspendant le 30 novembre, les programmes de durabilité mis en œuvre par l’entreprise.

Face à cette démarche qu’ils perçoivent comme une ultime astuce et un « acte ignoble », les régulateurs des deux pays ont durci le ton, suspendant le 30 novembre, les programmes de durabilité mis en œuvre par l’entreprise.

Ce bras de fer n’a pas manqué de faire des remous sur le marché. Jusqu’ici en berne avec une demande moindre, le prix de la tonne de cacao a franchi le 3 décembre 1 829 livres, soit son niveau le plus haut depuis avril. Après quelques semaines de pression de toute part – notamment des producteurs, la compagnie a finalement accepté de poursuivre ses approvisionnements sur le terrain et de verser le DRD.

Une pertinence remise en cause face à la réalité économique

Si le Ghana et la Côte d’Ivoire ont réussi à faire plier Hershey, ils pourraient avoir du mal à convaincre l’ensemble de l’industrie de s’engager sur cette voie. Pour de nombreuses multinationales du négoce et de la transformation du cacao, le DRD passe mal dans le contexte actuel. En raison de son statut de produit de luxe, la consommation du chocolat n’est pas en effet une nécessité contrairement aux denrées alimentaires de base que les ménages doivent consommer avant d’acheter d’autres articles. En tant que telle, la demande de chocolat est surtout portée par des consommateurs plus ou moins aisés qui font leurs achats en grande surface. Mais les revenus ont été fragilisés et les supermarchés ont fermé en raison des perturbations économiques liées au coronavirus.

Les compagnies pourraient s’orienter vers des sources d’approvisionnement moins chères comme le Nigeria et le Cameroun qui pourraient tirer leur épingle du jeu.

Et avec la seconde vague de la pandémie en Europe notamment, les perspectives de rentabilité sont encore plus modérées. Sous l’effet de la pression sur les marges, la réduction des achats par les groupes chocolatiers pourrait encore s’accentuer dans les prochains mois ou les compagnies pourraient s’orienter vers des sources d’approvisionnement moins chères comme le Nigeria et le Cameroun qui pourraient tirer leur épingle du jeu.

Des concessions inévitables 

Alors que certains analystes vont jusqu’à prédire une « mort prochaine » du DRD, il reste toutefois qu’un dialogue reste la clé pour maintenir le mécanisme sous sa forme actuelle ou tout au moins en envisager une refonte qui arrangerait toutes les parties prenantes. Même si les deux pays pèsent pour 70 % de la production, le marché du cacao reste toujours celui de l’offre et de la demande. Des concessions sont d’autant plus nécessaires que le temps semble jouer en faveur des industriels. Et pour cause.

2Cote dIvoire Stock

Les entrepôts se remplissent dangereusement.

En Côte d’Ivoire par exemple, les sujets de préoccupation dans le secteur sont nombreux. Les activités d’exportation d’or brun dans les ports tournent au ralenti avec la baisse de la demande en produits finis. Selon les données relayées par Bloomberg environ 200 000 tonnes de cacao sont entassées dans les régions cacaoyères où la pénurie d’espace d’entreposage fait planer des menaces sur la qualité.

Selon les données relayées par Bloomberg environ 200 000 tonnes de cacao sont entassées dans les régions cacaoyères où la pénurie d’espace d’entreposage fait planer des menaces sur la qualité.

Pour freiner l’empilement, les opérateurs livrent leurs fèves entre 800-850 Fcfa/kg, soit un niveau inférieur au prix minimum fixé à 1000 Fcfa/kg en début de campagne. Ces différentes perturbations dans le segment de la commercialisation ont tôt fait de susciter la colère des organisations de producteurs qui ont lancé une grève générale le 18 janvier et réclamé la démission de Yves Brahima Koné, le numéro un du régulateur de la filière.

3Yves Brahima KoneÌ

Le régulateur est contesté.

Plus globalement, en attendant que l’heure des négociations entre pays producteurs et industriels sonne, plusieurs options de sortie de crise peuvent être explorées. Il s’agit notamment d’une révision à la baisse du tarif du DRD par les producteurs ou une diminution des autres coûts d’acquisition du cacao comme la prime sur les contrats d’exportation, voire la prime à la qualité, dont les niveaux actuels sont insoutenables selon de nombreux exportateurs. Une autre solution pourrait consister finalement à accepter la vente d’une partie du cacao sans pour autant exiger le versement du DRD. Dans tous les cas, le scénario le plus redouté est celui d’un statu quo qui verrait un maintien coûte que coûte des 400 $ sur la tonne et entraînerait un affrontement avec les industriels…

Drôle de « guerre » dans le cacao

La recherche par le Ghana et la Côte d’Ivoire d’un plus grand impact sur le marché du cacao ne date pas d’aujourd’hui. Dans les années 80, la Côte d’Ivoire avait tenté seule une aventure infructueuse que les observateurs ont appelée par la suite « la guerre du cacao ». Entre 1987 et 1988, le pays trône sur le marché avec 40 % de l’offre mondiale. 10 ans plus tôt, il avait arraché la place de premier exportateur au Ghana, place qu’il ne quittera plus…

4HouphoueÌt Boigny copy

Houphouët-Boigny avait perdu le bras de fer en 1988.

Le président d’alors, Félix Houphouët-Boigny jugeait offensant pour les paysans les faibles prix pratiqués sur le marché mondial du cacao. Dans la foulée, une décision de suspension des exportations est prise. Cet embargo sur les ventes concernait, selon les estimations, près d’un quart de la récolte du pays à l’époque. Avec pour objectif de faire remonter les cours, elle dura jusqu’à 18 mois. Mais rien ne se passa comme prévu. Au lieu du schéma classique d’une flambée des prix liée à la pénurie de l’offre, les cours se sont au contraire effondrés de moitié durant la période. En manque de liquidités et sous pression sur le marché intérieur, le dirigeant s’est finalement résolu à vendre des centaines de milliers de tonnes à bas prix sur le marché mondial.

Plus de 30 ans plus tard, si le Ghana est désormais aux côtés de la Côte d’Ivoire, cet épisode rappelle qu’une position forte sur l’offre ne suffit pas toujours pour s’imposer sur ce marché ô combien complexe.

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